Efface ton cœur corrompu et tes mensonges sales,
Et réécris
Cette illusion que tu ne peux accepter,
Et cette sensation d'exister que tu ne peux oublier.
Le vent s'était abattu sur la ville aussi rapidement que l'on retournait la dernière carte révélatrice au poker. La pluie semblait avoir comme unique but d'inonder le plus de maisons possible, faisant tanguer les fils électriques suspendus à quelques mètres des passants pressant le pas pour s'abriter. Les volets ayant été mal fermés claquaient, les lampadaires clignotaient, le ciel était aussi sombre que le regard de ce garçon, planté innocemment au milieu de la rue. Des éclairs zébraient l'horizon, donnant à l'atmosphère des airs d'apocalypse. Il serait bientôt seul dans l'allée et pourrait contempler pleinement cette parodie de fin du monde d'un œil désintéressé. Mais brusquement, on le tira de ses pensées en l'attrapant fermement par l'épaule, le forçant ainsi à se retourner et contrecarrant en même temps ses plans désinvoltes. Face à lui un ami, désabusé. Il lui criait des mots qui semblaient ne pas vouloir passer le bord de ses lèvres, tant le bruit extérieur était grand. L'orage continuait sa basse besogne et le jeune homme tourna lentement ses yeux, sans essayer de comprendre une seule des paroles de son camarade. Ses pupilles en croisèrent des similaires en tous points grâce à l'intervention d'un miroir placé à l'intérieur de la vitrine d'un café, où son propriétaire s'affairait à débrancher ses quelques appareils électriques. Il resta au creux de ce déluge, se détaillant, sans se soucier de Faust qui le secouait vigoureusement dans l'espoir de le ramener à la raison. Ses tympans ne répondaient plus, le laissant dans un silence irréel. Trempé jusqu'aux os, il continuait son face à face avec lui même. Grand, à la carrure sportive, un poids adapté à sa taille, des cheveux foncés, quelques tâches de rousseur parsemant son visage, des lèvres fines qu'il savait utiliser et des yeux... Des yeux si vides qu'on pouvait se laisser à penser que l'esprit de leur propriétaire avait quitté son enveloppe charnelle. Tout à coup, le temps reprit son cours, ses oreilles retransmirent la cacophonie extérieure mêlée aux cris de son ami. Celui-ci se décida à l'agripper par le col de sa veste pour le trainer dans le café que le propriétaire n'avait pas encore eut le temps de verrouiller.
« - On n'accepte plus personne ! vociférera le vieil homme en se précipitant vers eux qui, en entrant, laisser l'occasion à l'enfer de pénétrer dans la pièce.
- Et bien maintenant, si. répliqua le plus âgé des deux, poussant son acolyte à l'intérieur et peinant à refermer la porte.
- Mais pour qui vous prenez vous ! » s'égosilla l'homme, rouge d'une colère presque inexpliquée.
Claes jaugea le commerçant. Des rides creusées, marquées, des ongles rongés, des gouttes de sueur perlant sur ses tempes. On voyait que la vie toute tracée qu'il avait suivi ne l'avait pas mené à bon port. Sans doute divorcé, ayant des pensions à payer et noyant peut-être son désarroi dans l'alcool : c'était le stéréotype même des personnes qu'il ne supportait pas. Faust sortit des billets de sa poche et les lui jeta à la figure, allant s'assoir à une table située au fond du café où se trouvait déjà une blonde décolorée. Stupéfait, le propriétaire des lieux considéra la somme qu'il tenait entre les mains et s'appuya au comptoir pour reprendre son souffle. Claes, lui, allait tranquillement se poser sur l'un des tabourets en hauteur, à côté d'une autre jeune femme de son âge.
« Et vous désirez quelque chose ? » minauda l'homme, reprenant son souffle. Il était littéralement passé du rouge écrevisse, au blanc aspirine en quelques secondes.
Le regard noir que l'ami raisonneur lança le fit reculer d'un pas ainsi que se tapir derrière son bar, alors que l'autre jeune homme faisait pianoter lentement ses doigts sur la plaquette de marbre blanc. L'endroit se voulait à la fois cosy et classe, avec ses lourds sièges en velour rouge et sa décoration feutrée. Une décoration de son ex-femme, à coup sur. Un homme de son espèce ne pouvait avoir autant de goût. Il soupira et leva lentement les yeux au ciel, apercevant d'une fenêtre située au plafond des grosses gouttes d'eau s'écraser sur la vitre.
Surpris mais à la fois ravi que son compagnon lui adresse la parole – fait rarissime lors des jours de pluie -, du fond de la salle il acquiesça pour lui faire comprendre qu'il l'écoutait.
« D'où vient la pluie ? »
Les yeux écarquillés, il ne répondit pas immédiatement, soupçonnant une question piège. Il réfléchit et se décida finalement.
« - Et bien, peut-être est-ce Dieu qui pleure l'Histoire du Monde...
- Pas du tout, il s'agit juste d'un phénomène naturel émanant à la base des vapeurs d'eau. »
Claes avait répondu négligemment, juste avant de finir d'une traite le liquide que le normalement retraité avait tenu à lui servir.
« - Et la poésie, t'en fais quoi ?
- Quelle utilité...
- Rêver ?
- C'est bien ce que je disais : aucune utilité. »
Un nouvel éclair illumina les cieux, permettant à Faust de mieux observer le regard de son compère : sombre, inexpressif. Comme à l'accoutumée, les jours pluvieux.
Comme en écrivant sur un bloc-notes,
Je veux tout révéler avec plus de sincérité
Qu'est-ce que j'essaie de fuir ?
Est-ce ce qu'on appelle "la réalité" ?
Enfin la pluie s'était calmée. Je me verse un autre verre, la main tremblant légèrement. Je n'y peux rien, c'est automatique, à peine est-il à moitié vide que je me dois de le remplir. Je jette un coup d'œil à la jeune fille assise à côté de moi, son regard semble me dire quelque chose comme : « Molo molo, on a dit qu'on rentrerait dans un état normal ». Dans notre groupe, nous sommes quatre. Moi, le brun qui teste ses limites, Echo la divine, Faust le toxico, et Wilhelmina ma jumelle. Je sens sur ma nuque son regard critique, elle n'aime pas me voir dans cet état. A vrai dire, je la considère plus comme ma mère que comme ma sœur, plus mature que nous tous, elle sait se limiter, mot que nous autres ne connaissons pas. Agissant comme une conscience ou l'angelot que nous pouvons apercevoir sur l'épaule des personnages de dessin animé, elle connait les dangers que l'on peut courir et est toujours la dernière à s'aventurer dans un mauvais jeu. Mais au final, elle reste jeune et je vois bien la lueur d'envie qui brille dans ses yeux. Je soupire sans oser me retourner, elle va encore me faire la morale et les quelques verres que j'ai bu commençant à faire leur effet, je pourrais vite m'enflammer.
« Claes, limite toi s'te plais. J'ai pas envie de te porter sur mon dos pour le chemin du retour. »
Je n'écoute Faust que d'une oreille, faisant tanguer le liquide dans son verre. Sans plus de cérémonie je le porte à mes lèvres et le termine d'une traite. Celui-ci ricane tout de même gentiment. Il n'est pas très porté sur la boisson et a bien d'autres moyens plus illégaux pour se détendre. Je vois Echo rejeter sa chevelure couleur miel en arrière et adresser un clin d'œil à un jeune homme assit plus loin. Elle est douée pour ça et son physique ne lui donne que des avantages. Des formes généreuses, un sourire d'une blancheur immaculée, des jolies boucles blondes et des yeux bleu scintillants. Ses parents semblaient avoir, dès son plus jeune âge, compris que son apparence serait d'une grande aide. A l'époque, leur compte en banque n'était pas dès plus rempli. Sans réellement se soucier de son avis de petite fille, ses géniteurs l'avaient inscrite dans une agence de mannequinat junior où elle posait, défilait, apparaissait sur les magasines de mode les plus branchés ainsi que sur les affiches publicitaires de parfums, chaussures, vêtements. On pouvait dire qu'à l'époque, la demoiselle était l'enfant reine du moment. Mais les gens se lassent facilement et l'ont mise aux oubliettes, comme on jette un poisson rouge aux toilettes une fois sa vie arrivée à son terme. Parfois, il arrive que lorsque nous nous baladons, quelqu'un la pointe du doigt et chuchote à l'oreille d'une autre personne. Il arrive même que certains lui demande des autographes. Mais toute gloire est éphémère, nous l'apprenons à nos dépends.
Wilhelmina, quant à elle, essaye encore et toujours de draguer Faust. Elle n'éprouve pas de sentiments pour lui, j'en suis presque certain. Mais comme à chaque fois, il l'envoie voir ailleurs, toujours avec classe, une phrase, un mot, un regard. Entre eux, c'est un jeu. Elle le chasse et il lui échappe. J'observe un instant, faute de ne savoir quoi faire, comment aujourd'hui ma sœurette s'est vêtue. Son style m'a toujours impressionné tant il débordait à la fois d'originalité et de touches personnelles. Même le perfecto que toutes les fillettes aimant le rock à minette portent paraissait si... Will ! Je m'attarde plus sur sa coiffure, l'idéalisme vestimentaire, selon son point de vue, ne repose presque que sur le visage. Ses wayfarer sur le nez, sa mèche lui cachant presque entièrement un œil : Elle a du style et elle le sait. Certains disent que, quoi qu'elle porte, tout lui irait à merveille, et je me range de leur côté. Je souris en voyant le tatouage qu'elle s'est faite faire il y a une semaine, le jour où elle s'est coupée les cheveux, à la va vite dans la salle de bain. Sa nuque est totalement dégagée, "coupe à la garçonne" comme elle le dit si bien. Le peu de chevelure décolorée en platine qu'il lui reste est en pétard, parsemée de mèches couleurs criardes. Un coiffeur professionnel n'aurait pas mieux fait. Et dire que nos parents sont des gens simples, mangeant poisson le vendredi et allant à la messe le dimanche. Bree Van De Kamp ferait pâle figure à côté de notre mère.
Puisque je suis sur ma lancé, autant vous détailler aussi Faust. Ah, Faust. Premièrement, son véritable prénom est Gabriel, ouais, comme l'archange, mais il n'a rien qui puisse se comparer à un envoyé du Seigneur et s'est renommé Faust après la mort soudaine de ceux qui le mirent au monde. Vous savez, Faust, ce héros contractant un pacte avec le Diable au prix de son âme, original n'est-ce pas. Le tragique accident laissant un gamin orphelin avait fait la une des journaux. Dans certains films, nous pouvons rencontrer le beau blond musclé, avec sa barbe naissante et ses yeux clairs, qui a le charme et la répartie sans oublier ce regard qui vous transpercent. Et bien... C'est lui. Mais ne rêvez pas, vous n'avez aucune chance. Si quiconque essaye de l'approcher, Will sort les griffes. C'est bien simple, il n'a pas eu une relation stable durant plus d'une semaine avec une demoiselle depuis au moins deux ans, et elle en est extrêmement fière. S'il savait que derrière son dos, elle nuit à sa réputation en clamant qu'il est gay... Mon regard se perd dans le vide et je vois du coin de l'œil une autre jeune fille s'approcher, elle parait légèrement plus jeune que nous quatre. Il me semble qu'elle s'appelle Celeste, un truc dans ce genre là. Je ne la connais que très vaguement, c'est une voisine avec qui nous étions au collège. J'ai du sortir avec elle pendant quelques jours, si mes souvenirs sont bons.
« - A qui tu parles ? Et qu'est ce que tu fais seul Claes ?
- Seul ? Mais non, regarde, Will, Echo, Faust, ils sont là.
- … Non. Ils ne sont plus là... S'il te plaît, admets-le. »
Je suis juste à la recherche de ce ciel que j'ai perdu
J'espère que tu comprends.
Ne me fais pas cette tête, comme si tu te sacrifiais
Ma sœur et moi sommes nés dans une famille riche, héritière du côté de mon père, mais avons été élevés comme des gens simples. Voilà pourquoi la cigarette, le rock'n'roll et la drogue rythment nos vacances d'été à la place d'Ibiza, du champagne et des cabriolets. Nos voisins, Echo et Faust, entre autres, ne connaissent pas le nombre de zéro situés sur la paye de mon père, et c'est tant mieux. Durant cet épisode que je viens de vous raconter, nous étions encore au lycée, pendant les vacances de Pâques, et avions dix-sept ans. Ça faisait un an. Tout juste un an, que ma, non, notre vie, avait basculé.
Les larmes ne mettent pas fin à un pêché,
Il faut péniblement continuer à vivre avec,
Dans ce labyrinthe de sentiments où la sortie n'est pas à porter de vue
Qui est-ce que j'attends ?
Je pleure, je plonge, je me noie. Je suis un mec et alors ? Est ce que ça veut dire qu'on doit toujours paraître fort ? On me l'a pris, bordel ! Dehors, il pleut, histoire de rajouter une couche de mélancolie. La pluie peut parfois effacer les erreurs, les laver comme on lave les soupçons. Parfois seulement. Trois jours que je dors, trois jours que je ne me nourris plus. Enfermé dans ma déprime, enfermé dans ma chambre. Personne ne peut imaginer comment ça fait mal, et si les gens disent qu'ils compatissent, ils ne sont qu'hypocrisie. Que peuvent-ils y comprendre ? Et je cherche comme toujours mes écouteurs pour les enfoncer dans mes oreilles et me couper de cet univers, plonger dans le mien tête baissée, ce monde si rassurant des enfants, abandonner les vérités blessantes de grandes personnes et se laisser envahir par la musique, par les songes, par le mensonge. J'ai à peine seize ans merde, laissez moi tranquille.
Elle est là.
Encore.« - Cla', tu ne manges pas ?
- Plus tard, Will, plus tard... »
Les gens dehors me croient fou. C'est faux. Ma mère m'a envoyé chez un de ces psychologues attardés. J'ai peur qu'il essaye de détourner mes sombres pensées. Je ne veux pas, elle est là. Pourquoi ne la voient-ils pas ? Bercé par la musique, ma sœur vient s'assoir sur mon lit.
« Il va bien falloir que tu m'oublies un jour, tu sais... »
J'augmente le volume de mon Ipod, pourquoi dit-elle ça ? Elle est censée être comme je le souhaite. J'essaye de m'abandonner aux bras de Morphée, ce qui finit fatalement par arriver.
Tandis que de l'agacement grandit dans mon cœur,
Une sensation brûlante parcours mon corps
En vérité j'attends quelque chose
De ce qu'on appelle "la réalité"
« Envy, je vais faire un tour, tu veux venir ? »
Je grommèle. Nous n'avons que seize ans, elle conduit la moto de notre père et après ça, elle ose dire qu'elle est la plus sage d'entre nous. Il faut avouer que les deux roues, chez elle, sont une vraie passion. Elle ne peut en voir que pendant les vacances car le reste du temps, nous sommes en pension dans une école un peu trop stricte à mon goût. Et je dois encore admettre une chose, elle est fichtrement douée. N'entendant pas de réponse, elle claque la porte et démarre la bête. Quelle idée de sortir alors qu'à l'extérieur, le ciel est dirigé par les plus vils démons. Vent, pluie, ciel noir, inconsciente va. Elle doit sans doute être en train de l'enfourcher et de partir à travers la ville pour arriver à la piste non loin du super marché. Nous venons de nous disputer et elle semble déjà l'avoir oublié. Quoi que pendant nos temps de crise, la jolie m'appelle par mon deuxième prénom. Nos parents m'ont encore passé un savon. « Tu as vu tes notes aux derniers examens ? C'est impensable, prends un peu exemple sur ta sœur ! Pourtant les test prouvent que tu as la matière pour surpasser notre espérance, alors bosse un peu et arrête de rendre des copies blanches ! » Et bla bla bla. Elle, la plus intelligente et sensée et moi le minable musicien qui n'a, pour se rattraper, qu'une soit disant "matière grise pour y arriver". Dans notre enfance, c'était toujours pareil. Au primaire je ramenais les D, elle récoltait les A. Nos grands-parents l'ont toujours préférée. Alors, moi, pour la rendre jalouse, je comptais sur ma popularité. Les filles m'aimaient et j'avais une bande dont j'étais le chef. Si je donnais un avis, les autres approuvaient. Si quelqu'un m'énervait, les enfants l'excluaient. Mais je n'ai jamais pu faire subir ce sort à Will. C'est ma sœur. Alors quand les gamins pensaient me faire plaisir en l'insultant, ils n'avaient le droit, en échange, qu'à un minable coup de poing digne du CE1 que j'étais. Qu'on ne la critique pas, ma moitié. Je m'étirai et attrapai un plume qui trainait sur son lit. Les professeurs nous avaient donné diverses choses à faire pendant les vacances. Comme lire quelques bouquins d'une étonnante épaisseur et rédiger quelques biographies d'historiens pourtant peu connus. Plongé dans ma description de la célèbre litote "Va, je ne te hais point", je n'entendis pas mon portable sonner une, deux, trois fois. C'est à la fin de la quatrième sonnerie que je décrochai in extremis pour entendre la voix paniquée de mon père.
« C'est Wilhelmina, elle a eu un accident. Viens à l'hôpital. »
Mon cœur rata un bond. C'était impossible. Elle savait manier sa moto comme une championne. J'attrapai ma veste, la balançai sur mon dos et me précipitai en dehors de la maison sans prendre la peine de la refermer, en courant vite, j'y serai dans cinq minutes.
Je suis venu en courant désespérément, rapidement,
Les battements de mon cœur semblent vouloir exploser.
Ta voix fait de l'écho, elle crie.
On n'a pas de temps à perdre à rester là,
A vos marques, prêts, partez.
J'arrive rapidement devant le petit hôpital de la ville, l'unique d'ailleurs. J'entre en trombe et me précipite au guichet, le regard sans doute apeuré car l'expression de l'infirmière est tendre, comme pour me rassurer d'elle ne sait même pas quoi.
« Qu'est ce que vous avez fait à ma sœur ?! Où est elle ! »
La jeune femme ouvre et referme la bouche plusieurs fois sans comprendre, des patients, elle en voit des centaines défiler. Dernière moi, je sens une présence familière. Sans même me rendre compte de qui il s'agit, un docteur m'ayant soigné d'une petite grippe étant gamin ou peut-être bien quelqu'un de ma famille, qui sait, je suivis cette personne. Elle m'amène en face d'une salle, où sur un banc, attendait ma mère pleurant dans un mouchoir et mon père se tenant la tête entre les mains. Je me dirige vers le hublot de la pièce. Will est allongée sur une table d'opération, des médecins s'agitent autour d'elle. Sa veste est ouverte et un des hommes sort deux appareils électriques. Vous savez, ceux des films, qui réussissent toujours à ramener les gens, à faire rebattre leurs cœurs, ces démoniaques défibrillateurs. Je sursaute en même temps que les décharges, ils vont me la ramener n'est-ce pas ? Soudain, un silence de mort règne, seul un interminable 'bip' résonne à mes oreilles. Le docteur baisse la tête.
« C'est fini. Je suis désolé ma jolie. Heure du décès : 11h47. » murmurent ses lèvres.
Mon cœur court sous ce ciel,
Je n'arrive pas à cacher les plaintes de mes sentiments oisifs.
Je te rejoindrais sûrement dans peu de temps.
La soleil brille et éclaire cette route.
A vos marques, prêts, partez!
S'il te plait, fais-moi confiance.
Je me réveille en sursaut. Les cheveux ébouriffés, le souffle accéléré, saccadé, hanté, désabusé, désespéré. Ils m'ont tous abandonné. Echo s'est fait réengager par une agence s'occupant des adolescentes en devenir, et est partie il y a un an. Faust n'avait que quinze ans, comme nous tous à l'époque, ses parents étaient décédés il y avait peu alors et un autre membre de sa famille, son oncle il me semble, était venu le chercher pour l'emmener en France. Et maintenant, c'était à Will de partir. Je porte malheur n'est-ce pas ? J'enlève les écouteurs qui crient leur musique et les balance à l'autre bout de la pièce.
La voix de ma jumelle m'apaise. Ça va faire un an que ma sœur vit pour moi et moi seul. Mon ventre émet soudain un bruit indiquant que cette grève de la faim occasionnée ne lui plaisait guère. Je décide enfin de me lever, mes jambes pourtant musclées semblent avoir des difficultés à soutenir mon poids, mais je réussis tant bien que mal à descendre les escaliers, arrivant au palier inférieur.
"Comment suis-je supposée ouvrir la prochaine porte ?"
J'y réfléchis.
L'histoire sans retour possible en arrière a commencé.
Réveille-toi,
Réveille-toi.
Ma mère se tient debout, en face de moi. Elle est de dos et ne peut donc pas me voir. Elle semble d'ailleurs trop occupée au téléphone pour se rendre compte de ma présence.
« Très bien, je vois. Vous dites donc qu'il s'est inventé une sorte d'amie imaginaire qui reprend le physique et la personnalité de sa sœur ? Est-ce grave ? Mmh, oui, oui, je comprends. Pourriez-vous le soigner ? C'est à lui de se libérer d'elle ? Vos paroles sont dures monsieur, il n'a que seize ans. Mmh, tout à fait. Son accident ? C'est... Difficile à raconter, même pour moi. Vous comprenez, il est … Comment dire, dans une école, actuellement en internat, je pense qu'à la rentrée, il pourrait enfin se rendre compte de son absence quand la place à côté de lui sera vide. Ça ne sera pas trop brutal, n'est ce pas ? Bien, très bien Docteur. Au revoir et merci pour tout. »
Je veux crier fort "je vis pour réaliser mes rêves".
Tu peux m'entendre ?
Je ne peux continuer à rester trop prudent
Mais je n'ai plus nul par où retourner non plus
Je suis reconnaissant pour toute cette gentillesse
C'est pourquoi je veux devenir plus fort - je suis sur la voie -
Même cette peine nostalgique est la bienvenue.
« - Ce que ma mère ignorait, c'était que toute ma dernière année au lycée se passa comme pendant les grandes vacances. Je m'étais créé une intimité où presque personne ne pouvait pénétrer. Sourires tristes ou larmes de joie, les gens sont si compliqués. Je pensais aller bien, car elle était toujours là, mais au fond de moi, toute ma vie était chamboulée, ce que je ne savais avouer.
- Mais … Claes, pourquoi me racontes-tu tout ça ? »
Je ne relevai pas ses paroles, trop occupé à observer ma sœur et mes amis se lever. Ils m'adressèrent un sourire presque reconnaissant et me firent un signe de la main. Je les regarde s'évaporer devant mes yeux, tandis que mon cœur se faisait plus léger, j'avais enfin accepté le départ d'Echo et de Faust, ainsi que la mort de ma sœur. Celeste ne savait où se mettre, elle semblait à la fois heureuse que l'inaccessible Hillson se confit, mais aussi extrêmement mal à l'aise par cette sincérité.
« - Efface, et réécris cette illusion que tu ne peux accepter, et cette sensation d'exister que tu ne peux oublier. Réincarne-toi, et réécris l'imagination dépourvue de sens. Mets-y tout ce que tu as, toute la force que tu possèdes.
- Pardon ?
- C'est une chanson. Oublie... »
Je me lève, léger et libre. Je vais devoir me débrouiller seul, maintenant.
La vie est encore trop longue pour se débarrasser de toutes ces pensées
Je veux pouvoir tout recommencer afin de finir ce qui a été abandonné
Devrions-nous y retourner ?